Discours de la présidente du jury, Mme Tomris Alpay

Monsieur le Consul Général,
Monsieur l’attaché culturel,
Chers Ömer Oyal et Mevsim Yenice,
Chers Invités,

« Si l’on avait un seul coup d’œil à donner au monde, on devrait regarder Istanbul. », Alphonse de Lamartine

« A propos du Bosphore, que puis-je vous dire ? Je vous dirais de relire les écrits du Voyage en Orient de Lamartine [...] Un proverbe dit qu’on ne vient pas qu’une fois à Constantinople : je m’y conformerai probablement en y revenant encore au courant de cet automne [...] J’ai soif d’Orient ! », Franz Liszt.
Je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous saluer avec le regard sur Istanbul de Lamartine, célèbre écrivain et poète romantique et celui de Liszt, compositeur et pianiste hongrois, tous deux influencés par le courant orientaliste propagé en Europe au dix-neuvième siècle et par l’étude des cultures orientales.
Comme chaque année, vous nous avez honorés de votre présence en ce jour de mai.
Le mouvement des Tanzimat, qui avait commencé au début du dix-neuvième siècle dans l’Empire ottoman pour réorganiser les affaires administratives, avait fini par influencer plusieurs domaines, y compris notamment celui de la littérature en passant par l’art et la vie sociale. Au cours des mêmes années, des airs et des traits orientaux devinrent visibles en littérature, en musique et en peinture, imprégnées des voyages des musiciens et des hommes de lettres européens témoignant d’un grand intérêt pour l’Orient. En bref, il s’agit d’une interaction mutuelle. Cette interaction intense entre l’Orient et l’Occident acquérira une dimension plus économique et technique dans les années à venir et ainsi commencera la construction de la ligne de chemin de fer pour Bagdad.
Cette année, une série d’activités culturelles telles qu’exposition, colloque, concerts multiples ont été organisés au sein du Lycée Notre-Dame de Sion dans le cadre du Festival Lisztomanias de Châteauroux. À l’aide de documents écrits et visuels rassemblés à cette fin, les mouvements des Tanzimat et de l’orientalisme ont été examinés par le regard des artistes venus d’Occident et dans une perspective large, ce qui nous a permis de mieux comprendre cette période.
Les événements du passé et les individus qui en constituent le centre ont créé une source inépuisable pour l’art et la littérature qui en est une branche. Considérée sous cet angle, il est évident que l’interaction de la littérature avec l’histoire devient un intermédiaire dans la production des œuvres diverses au cours des années.
L’histoire reflète les événements dans leur pure réalité. Quant à la réalité de la littérature, elle est “fictive” par rapport à la réalité vécue.
Ömer Oyal, lauréat du Prix Littéraire NDS de cette année, nous invite à travers son roman intitulé Zaman Lekeleri à un voyage historique accompli de l’Occident vers l’Orient. L’écrivain nous associe à l’aventure des wagons fabriqués pour la ligne de chemin de fer vers Bagdad et qui acheminent au début des années 1900 vers le territoire anatolien en passant par l’Europe.
Dans cet ouvrage, le narrateur hors du commun est le wagon no 11, qui fut le témoin du déclin de l’Empire ottoman et de la naissance de la République jusqu’au trajet Adana-Istanbul réalisé en 1943.
L’auteur a examiné les couches sociales, les conditions de vie au sein de la société, les relations entre les femmes et les hommes, les rapports familiaux sur une période de 43 ans et a minutieusement traité ces données. L’écrivain nous offre également une description détaillée des matériaux utilisés pour la construction du wagon. Alors que la luminosité des parties en laiton, l’odeur des tapisseries, le vernis brillant du matériel en bois mettent l’accent sur le développement de la civilisation occidentale, l’auteur décrit dans un style réaliste les steppes nues de l’Anatolie, les bâtiments en ruine, les vêtements anciens des passagers.
Au nom des membres du Jury du Prix Littéraire du Lycée Notre-Dame de Sion, je félicite Ömer Oyal pour son ouvrage original, soigneusement conçu et témoin de l’héritage du passé et lui souhaite plein succès dans le futur.
Au cours de la période d’évaluation couvrant les années 2018 et 2019, comme indiqué dans notre règlement, nous avons lu des œuvres publiées ces deux dernières années. Le nombre d’ouvrages était considérable.
L’expérience accumulée lors des travaux de notre Jury nous montre que nous définirons les choses différemment avec des mots différents en parlant de la littérature turque dans les années à venir.
Il est nécessaire d’examiner la réalité des réseaux sociaux qui se propagent rapidement et y observer de près l’évolution des choses partagées. Un nouvel épanouissement est remarquable dans des domaines tels que la nouvelle et le roman du point de vue des thèmes, de la fiction, du langage utilisé sur des médias tels que Fan Zin et altKitap. Il nous semble que nous repérons déjà les symptômes des développements qui se produiront dans les années à venir.
Voyons ce que la génération Y, qui prend des risques, qui est rebelle et en faveur du changement créatif, nous écrira.
Nous avons en quelque sorte reçu la réponse à cette question en lisant le livre de nouvelles de Mevsim Yenice, Tekme Tokatlı Şehir Rehberi. En tant qu’écrivain jeune et avant-gardiste, Mevsim Yenice a reçu la mention honorable au Prix Littéraire du Lycée Notre-Dame de Sion.
A travers une fiction tissée avec un calcul raffiné dans les nouvelles de l’ouvrage de Mevsim Yenice, Tekme Tokatlı Şehir Rehberi, le mouvement, le son, la couleur, sensibles dès les premières phrases, peuvent déjà nous conduire à la conclusion.
Tout en parlant avec aisance de la douleur qui secoue tout le monde, y compris sa propre génération, il laisse ses protagonistes réfléchir à plusieurs niveaux leur permettant ainsi d’élever la voix intérieure avec son style subtil. A travers les regards de ceux qui voient le monde différemment, il présente un nouvel exemple d’humour noir, qui, dominé par l’ironie, apporte un nouveau souffle à la nouvelle.
Chère Mevsim Yenice, tu as doté notre littérature d’une nouvelle couleur. Je te félicite au nom du Jury du Prix Littéraire du Lycée Notre-Dame de Sion et te souhaite plein succès dans tes futures entreprises.
Je présente également mes sincères remerciements à mes chères amies du Jury, Mayda Saris ,Yazgülü Aldoğan, Özlem Yüzak, Lizi Behmoaras, Emel Kefeli, Zeynep Sabuncu, Arzu Öztürkmen, Mine Haksal et à la Présidente de l’Association des Anciens de NDS.
Chers invités, je vous salue respectueusement tout en vous souhaitant une bonne soirée.